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Ensemble, comprendre l'économie autrement

Le blog économique de Max Alain Obadia

Airbus A 320 : attentat ou suicide ?

Crash de l'Airbus A320 : le monde entier s'est ému de cette catastrophe. A juste titre. Ce qui s'est passé est absolument effroyable. La presse y a trouvé un motif de déchaînement médiatique qui a fait vendre bien du papier.

Attentat ou suicide ? Et si suicide, pourquoi le jeune copilote a-t-il attendu d'être aux commandes de l'Airbus pour exécuter son geste ?

Chacun y a été de son explication. Les psychiatres et autres analystes ont été convoqués pour l’événement. Plusieurs explications ont été avancées pour éclairer ce geste incompréhensible. Certains ont pensé à un chagrin d'amour. D'autres ont suggéré un état dépressif enraciné dans la petite enfance d'un homme jeune et quelque peu dérangé. D'autres enfin ont évoqué la peur de ne plus pouvoir exercer le métier de pilote du fait d'une vue déclinante. Aucune de ces interprétations ne se suffit cependant à elle-même et elles paraissent même un peu courtes.

Une idée simple : quelqu'un qui se suicide le fait le plus souvent tout seul. Quel besoin aurait-il d'emporter près de 150 personnes avec lui dans la mort ? Pour quel bénéfice ? Celui d'en tirer une gloire posthume ? Dans quel but ? Au delà de l'atrocité d'un acte fou qui ne peut que laisser perplexe, ce geste ne résulte-t-il que d'un comportement isolé dont les moteurs se résumeraient aux seules pulsions auto-destructrices d'un individu dérangé ?

Andreas Lubitz aurait déclaré : "un jour je vais faire quelque chose qui va changer tout le système et tout le monde connaîtra mon nom et s'en souviendra".

 

                              Image hébergée par http://uprapide.com/

 

De tels propos sont éclairants sur le monde dans lequel nous vivons. Les systèmes économiques et sociaux dans lesquels nous évoluons sont devenus de véritables machines à broyer les individus. Le libre échange fou que nous avons laissé s'instaurer a désindustrialisé nos pays en profondeur, créant partout sur son passage, chômage, précarité et angoisse. Le néo-libéralisme a ainsi transformé les individus en simplesnuméros, taillables et corvéables à merci. Les délocalisations ainsi que les plans de licenciements à répétition ont créé un chômage de masse qui remet "le chacun pour soi" sur le devant de la scène.

Il n'est pas besoin de réfléchir trop longtemps pour comprendre que là se trouvent les raisons profondes de la désaffection syndicale et politique actuelle. Dans ce sauve-qui-peut général où chacun cherche à survivre d'abord, et à exister ensuite, l'usage des réseaux sociaux est devenu un canal naturel pour tenter de retrouver une identité individuelle et sociale . C'est aussi ce "chacun pour soi" qui explique la montée en puissance des communautarismes de toutes sortes. Tout un chacun cherche à exister afin de calmer sa peur de l'avenir, rompre l'isolement ainsi que combler le vide et la déshérence dans lesquels il se trouve jeté par un système à bout de souffle livré aux intérêts particuliers des plus puissants. Les extrémistes le savent bien qui recrutent leurs troupes parmi les populations les plus fragiles et les plus déshéritées de nos sociétés en crise ou parmi les laissés pour compte du quart monde.

La folie du jeune pilote de la Germanwings n'est peut-être pas très éloignée de la folie du jeune terroriste qui active la bombe qui l'emporte, lui et des dizaines de personnes. Comme une façon de dire au monde : "puisque vous ne voulez pas de moi, je me tue et j'emporte dans la mort un maximum d'entre vous !". La lutte contre le terrorisme, lequel s'apparente évidemment à une folie, est bien sûr une priorité. Cette lutte doit cependant s'attaquer aux causes et s'accompagner d'une remise en question profonde de nos modes de fonctionnement économiques, donc sociaux.

Andreas Lubitz n'était pas seulement un malade. Il a été un acteur malgré lui d'une pièce dont le scénario macabre ressort d'un cadre général qui existe bien en dehors de lui. Chacun sait en effet à quel point ce sont les structures sociales qui façonnent les consciences individuelles. La violence sociale exercée par nos sociétés ne peut que produire les pires violences individuelles. Andreas Lubitz rejoint ainsi au Panthéon des "paumés" et des "sans repères" Anders Behring Breivik qui, on s'en souvient, avait assassiné 77 jeunes sur l'île d'Utoya en Norvège en juillet 2011.

Si cette explication a un fond de vrai, l'acte suicidaire d'Andreas Lubitz pourrait ne pas rester isolé. Tel sera le cas tant que nous n'aurons pas remis de l'ordre dans un monde qui part à vau l'eau. Et tant que nous n'aurons pas recréé un système de valeurs susceptible de mobiliser les énergies et de redonner du sens à nos existences, un sens autre que la quête de la survie ou la recherche de nos seuls intérêts financiers immédiats. Un sens collectif dans lequel chaque individu pourrait se retrouver. Ce qui bien sûr, et on l'aura noté, a échappé aux élites qui nous dirigent. Et ce ne sont pas les fausses solutions préconisées par les extrémistes de tous acabits (au rang desquels les extrêmes droites européennes figurent en bonne place) qui apporteront une solution.

Dans l'une de ses récentes conférences, l'économiste (et père jésuite) Gaël Giraud que nous apprécions beaucoup sur ce blog, disait que le monde a perdu toute finalité eschatologique. Il a raison. Pour la première fois depuis longtemps le monde vit sans horizon et nous n'avons plus de but ou de vision à offrir qui puisse mobiliser les énergies dans le sens d'un "mieux vivre ensemble. Dans un monde sans élément fédérateur, tout est en effet à craindre, même et surtout le pire.

Le suicide d'Andreas Lubitz n'est probablement pas un simple suicide. Ce n'est pas non plus un attentat. C'est un attentat suicide.

A nous d'en comprendre le sens et d'en saisir la portée véritable pour avancer.

Max Alain Obadia

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C
Une réflection qui creuse plus vrai.
Reply
M
Merci pour votre commentaire. J'essaie de m'attacher chaque fois que c'est possible à décrypter les ressorts véritables des faits qui sont portés à notre connaissance. Au cas d'espèce, il m'a semblé que l'analyse fournie par la presse était bien limitée. C'est la raison pour laquelle je me suis permis d'écrire cet article. Amitiés