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Ensemble, comprendre l'économie autrement

Le blog économique de Max Alain Obadia

L'enfer des paradis fiscaux..

L'article 71 de la loi bancaire de juillet 2013 a obligé les banques et les entreprises d'investissement françaises à publier des informations sur leurs activités dans chaque pays où elles possèdent une implantation. Ainsi, en 2014, elles ont du publier, pour chaque lieu d'implantation, la nature de l’activité, le chiffre d'affaires réalisé et les effectifs exprimés en équivalents temps pleins (chiffres 2013). A partir de 2015, elles devront compléter ces informations en y ajoutant, ce qui est de loin le plus important, le bénéfice ou la perte réalisé (avant impôt), le montant de l’impôt acquitté sur place ainsi que les subventions éventuellement perçues.

​La loi de 2013 répond à de fortes pressions de la société civile que les pouvoirs publics ont fini par prendre en compte. Ces obligations ne concernent pour l'instant que les banques. La mobilisation ne doit cependant pas se relâcher afin qu'elles soient étendues à l'ensemble des grandes entreprises, notamment celles bénéficiant d'un soutien public. C'est en effet la seule manière de savoir où les grands groupes localisent leurs bénéfices et combien cette "optimisation fiscale" coûte précisément aux états. Le contrôle des prix de transfert (prix auxquels les sociétés établies en France achètent les biens et services auprès d'autres sociétés appartenant au même groupe et implantées à l'étranger) ou des redevances versées en serait grandement facilité. Jusqu'ici, ce sont les autorités elles-mêmes qui avaient bloqué cette extension aux autres sociétés que les banques, sous prétexte que le coût de cette publication serait exorbitant (!) ou que rendre publiques ces données mettrait les entreprises en difficulté au regard de leurs concurrents. Prétexte on ne peut plus fallacieux : comme si les concurrents n'usaient pas des mêmes procédés en matière de défiscalisation !

​Il est assez curieux de noter que du point de vue de la transparence fiscale, les collectivités locales sont très en avance sur l'Etat français puisque, à ce jour, la majorité des régions exigent déjà des banques partenaires une transparence totale pays par pays. Près de 20 régions sur 22 se sont résolument engagées dans cette action.


                                        Image hébergée par http://uprapide.com/
 

Le débat porte actuellement sur le fait de savoir si ces informations doivent seulement être communiquées à l'administration fiscale ou si elles doivent être rendues publiques comme c'est désormais le cas pour les banques. Notre devoir de citoyens est évidemment de militer et d'accentuer les pressions pour que ce soit cette seconde solution qui soit retenue.

Les chiffres publiés par les 5 plus grandes banques françaises (BNP-Paribas, Société Générale, Crédit Agricole, BPCE et Crédit Mutuel) ont été analysés par "la Plateforme Paradis fiscaux et judiciaires". Cette étude montre :

- qu'un tiers des filiales étrangères de ces banques seraient implantées dans des paradis fiscaux (au sens de la liste établie par "Tax Justice Network")

- que 26% de leur chiffre d'affaires international serait réalisé dans ces mêmes paradis fiscaux (35% selon que l'on intègre ou non certaines données relatives à la City de Londres)

- que l'activité exercée dans les paradis fiscaux serait principalement financière (placements, gestion d'actifs, etc.). L'activité de détail sur place serait très minoritaire. On s'en serait douté.

- que les salariés des banques établies dans les paradis fiscaux seraient 2 fois plus productifs que ceux localisés dans les autres territoires (13 fois plus apparemment pour les salariés irlandais de la BPCE). On pourrait peut-être envisager de les rapatrier en France pour doper notre croissance en berne...

- que les îles Caïmans seraient, toujours selon "la Plateforme", le "trou noir" des activités bancaires : chiffres d'affaires disparates, voire négatifs, une quinzaine de filiales pour les banques en question et aucun salarié au motif que ceux-ci seraient localisés dans d'autres pays, etc. Les auteurs de l'étude se demandent si cette situation ne serait pas un aveu d'activité "offshore"..

- que les paradis fiscaux seraient plus attractifs que les pays émergents. Les grandes banques françaises réaliseraient 3 fois plus de chiffre d'affaires dans ces paradis que dans les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Afrique du Sud).

- que les filiales implantées aux Bermudes ou aux Bahamas réaliseraient des chiffres d'affaires dérisoires. Ces paradis serviraient peut-être (toujours selon les auteurs de l'étude) à profiter des avantages juridiques et réglementaires qu'ils offrent, par exemple pour contourner les règles prudentielles ou commercer sur des produits financiers spéculatifs risqués.

- que les paradis fiscaux seraient spécialisés : la Suisse pour la gestion d'actifs et la banque privée, Jersey pour les solutions d'investissement, etc.

- que le Luxembourg serait le paradis fiscal le plus prisé des grandes banques françaises (25% de leur activité dans les paradis fiscaux, 117 filiales). Le chiffre d'affaires réalisé au Luxembourg serait plus de 3 fois supérieur à celui généré dans d'autres pays (alors que le Luxembourg compte à peine 550 00 habitants !).

- que les 10 premiers paradis fiscaux seraient le Luxembourg, la Belgique, les Pays-bas, l'Irlande, la Suisse, Hong Kong, Singapour, Jersey, la Hongrie et Monaco. Au Royaume Uni (dont la City est considérée comme le plus grand paradis fiscal du monde) les grandes banques françaises réaliseraient plus de 8% de leur chiffre d'affaires mondial.

Tous ces éléments démontrent l'importance que revêtrait l'activité des grandes banques françaises dans ces territoires. Cette activité n'aurait rien d'anecdotique, bien au contraire.

Il ne faut pas relâcher l'effort afin que l'exemple de la France en matière de transparence soit suivi par les autres pays de l'UE. La Commission, dans un avis du 2 octobre 2014, s'est rangée à cette opinion. A compter de 2016, toutes les banques européennes devront rendre publiques ces informations, pays par pays. Il faut noter qu'au plan international, les pays émergents figurent parmi les victimes les plus touchées par l'évasion fiscale et la fraude.

La lutte continue...

Max Alain OBADI

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