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Ensemble, comprendre l'économie autrement

Le blog économique de Max Alain Obadia

La zone euro a-t-elle un avenir ?

#Le traité de Maastricht avait déjà privé les Etats de la maîtrise du crédit (quantité de monnaie en circulation), de la maîtrise de leur politique de taux d'intérêt (incitation à l'investissement) et de la maîtrise du change (amélioration de la compétitivité). Le pacte de stabilité est venu parachever l'ouvrage en entravant leur autonomie budgétaire. ​

Ainsi, après avoir perdu toute possibilité d'émettre eux-mêmes de la monnaie, de fixer les taux d'intérêt afin d'orienter l'économie dans un sens profitable aux populations ou de dévaluer afin de pallier des écarts de compétitivité liés en grande partie à des choix de modèles sociaux différents, voici que nos gouvernements perdent toute possibilité de relance économique. L'équilibre budgétaire est désormais érigé en dogme.

Toutes ces contraintes volontaires interviennent dans un contexte de libre échange et de concurrence échevelés duquel toute velléité de régulation a été bannie. La libre circulation des capitaux et des marchandises, à un moment où la finance est totalement dérégulée (et avec des pays qui ne respectent ni les règles élémentaires fixées par l'OIT en matière de droit du travail, ni les règles élémentaires en matière sanitaire ou environnementale) livre nos entreprises à une concurrence sauvage qui conduit à une désindustrialisation généralisée.

Ne pouvant plus user de leurs trois leviers traditionnels (maîtrise du crédit, maîtrise des taux d'intérêts, maîtrise du change), les pays d'Europe n'ont plus d'autre choix, pour préserver leur compétitivité, que de se lancer à corps perdu dans un dumping social et fiscal mortifère. Cette situation est d'autant plus tragique, que l'on a ôté aux Etats l'ensemble des leviers de pilotage de leurs économies sans pour autant les transférer à une autorité quelconque au niveau européen. Il n'y a donc plus aucun pilote dans l'avion ! Démarche suicidaire s'il en est : aucune stratégie économique ou politique commune n'encourage la croissance, ne développe de politique monétaire centrée sur le mieux-être des populations, ne met en oeuvre une véritable politique industrielle, ne régule les échanges ou ne dompte les errements de la finance.


                                          Image hébergée par http://uprapide.com/

                          
 

Ce dumping fiscal et social se traduit par la baisse des coûts sociaux (baisse des salaires et du niveau de protection sociale, restriction des services publics) ainsi que des coûts fiscaux (baisse généralisée des impôts sur le revenu et sur le capital) et engendre une "casse sociale" sans précédent. Cette casse sociale fait le lit de l'extrême droite et des souverainistes . On peut aujourd'hui le constater en examinant chez nous (avec effroi !) les scores trop élevés du Front National aux dernières élections européennes de 2014 et aux départementales de 2015 . Ce constat n'est hélas pas isolé : la montée de l'extrême droite est perceptible presque partout en Europe. 

En adoptant ainsi des politiques qui dressent les états et les peuples les uns contre les autres, les dirigeants européens ont sciemment pris ce risque majeur de remettre en selle des idées que l'on croyait à jamais rejettées dans les poubelles de l'histoire. 

Le traité de Maastricht, en instaurant une Banque Centrale Européenne indépendante à laquelle il est fait interdiction de prêter directement aux Etats (contrairement à ce qui se fait partout ailleurs dans le monde) contraint ceux-ci à se financer sur les marchés et à se placer sous leur tutelle. Le marché des changes a disparu avec la monnaie unique. La nature ayant horreur du vide, la spéculation se porte aujourd'hui sur les dettes publiques. Certains Etats, asphyxiés par cette spéculation débridée, se retrouvent au bord du gouffre. Tel est le cas de la Grèce devenue exangue et assommée, entre autres, par des taux d'intérêts prohibitifs.  

Contrairement à ce que nous assènent régulièrement sur toutes les chaînes les "économistes de plateaux", les déficits, notamment en France, ne sont pas dus aux politiques dispendieuses de l'Etat mais au coût financier de la dette et aux cadeaux fiscaux de tous ordres concédés par les gouvernements successifs aux catégories les plus aisées de la population. Pour d'autres pays, les dettes publiques sont en grande partie dues à la prise en charge (par la collectivité) des dettes de banques au bord de la faillite à force de s'être chargées jusqu'à la gueule de produits toxiques que l'absence totale de régulation a laissés libres de circuler et d'intoxiquer l'ensemble du système.  

Les Etats européens se sont donc ainsi désarmés tous seuls, livrant  leurs entreprises (notamment les plus petites d'entre elles, donc les moins aptes à se défendre) à une concurrence  mondiale déséquilibrée. Celles-ci se retrouvent placées face à des entreprises soutenues par leurs Etats respectifs, lesquels développent sans aucun scrupule des politiques protectionnistes et nationalistes sans précédent.

                                                 Image hébergée par http://uprapide.com/

Face à cette conjonction calamiteuse, l'Europe n'a pas su se doter des armes qui auraient pu la protéger de cette concurrence dévastatrice : pas de politique monétaire, pas de politique industrielle coordonnée, pas de convergence sociale ou fiscale, pas de mesures pour endiguer la concurrence déloyale, pas de lutte contre la fraude ou l'évasion fiscale, etc. Comment s'étonner alors de l'état délabré de nos économies et de la montée inquiétante de la précarité, du chômage et de la pauvreté dans l'ensemble des pays de la zone ?   

Et pour couronner le tout, voici que nos élites, soudain saisies d'anxiété face à l'ampleur des déficits, ont décidé de suivre la politique du leader allemand et de multiplier les plans d'austérité. L'austérité ne fait qu'accroître les déficits publics car elle gèle l'économie, casse la demande et réduit de ce fait les rentrées fiscales des Etats. Il paraît utile de rappeler ici que ce sont les deux plans d'austérité successifs du Chancelier Bruning en 1930-1931 qui ont engendré la déflation qui a porté le parti nazi au pouvoir en 1933.

Le TSCG, avec sa règle d'or, prétend ôter leur souveraineté budgétaire aux Etats. On ne pouvait faire pire dans le contexte actuel ! 

Face à une telle situation, on peut toujours rêver : rêver que nos élites vont soudain se réveiller. Rêver qu'elles vont prendre conscience de la gravité de la situation. Rêver qu'elles vont mettre fin au libre échange anarchique. Qu'elles vont enfin réguler la finance, traquer la fraude et l'évasion fiscale. Qu'elle vont mettre fin au dumping fiscal et social et qu'elles vont mettre en oeuvre une réelle politique de convergence. Rêver qu'elles vont rapidement doter l'Europe d'une politique économique, monétaire et industrielle au service des peuples et de la croissance. Qu'elles vont réglementer la concurrence déloyale. Rêver qu'elles vont mettre fin à la règle de l'unanimité qui sape toute velléité de progrès au sein de l'Union. Que l'Allemagne va enfin prendre conscience de sa responsabilité historique et assumer son rôle de leader avec tous les droits et obligations que cette place lui confère. Rêver que, prenant enfin la mesure de la situation, les pays de l'UE vont entamer une marche résolue vers un vrai fédéralisme. 

On peut toujours rêver. Et espérer.  

Max Alain OBADIA

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