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Ensemble, comprendre l'économie autrement

Le blog économique de Max Alain Obadia

#Grèce : l'Europe survivra-t-elle à l'€uro ?

La nuit du 4 Aout 1789 fut celle de l'abolition des privilèges. La nuit du 13 Juillet 2015 restera celle de l'abolition de la démocratie grecque. Le texte imposé à la Grèce ce soir là, et qui conduit à la mise sous tutelle d'un pays tout entier, signe la honte de l'Europe. 

La presse a été très discrète sur les termes de cet accord. Rappelons les donc : 

- toutes les mesures prises par Syriza depuis Février 2015 et contraires à la politique d'austérité imposée par les institutions européennes devront être annulées. L'état grec devra ainsi, par exemple, revoir sa décision de réembaucher 4000 fonctionnaires ou celle d'autoriser les ménages grecs endettés à étaler sur 100 mensualités leurs dettes à l'égard de l'état (impôts, cotisations sociales, ...), 

- l'état grec devra procéder à une réduction du montant des retraites et supprimer la prestation complémentaire aux retraites les plus faibles,

- les subventions versées aux agriculteurs devront être réduites,

- la TVA devra être augmentée de façon significative (+1% du PIB) et la réduction de TVA accordée aux îles grecques les plus "pauvres" devra être annulée,

- le code de procédure civile devra être réformé de manière à ce que l'expulsion des ménages ne pouvant plus rembourser leurs emprunts soit rendue possible,

- un conseil fiscal chargé d'estimer l'impact budgétaire de toutes les mesures que souhaitera prendre Athènes devra être mis en place. Il sera de fait placé sous le contrôle direct des créanciers. Tout projet de loi devra être soumis au préalable aux instances européennes et ce, avant tout débat public ou parlementaire,

- la Grèce devra réaliser un excédent primaire annuel égal à 3,5% de son PIB. Si ce pourcentage n'est pas atteint, les dépenses publiques seront automatiquement réduites,

- la réforme de l'administration grecque se fera sous l'égide de la Commission Européenne,

- l'état grec devra transposer dans sa législation la directive européenne sur le renflouement des banques (BRRD),

- l'état grec devra prendre des mesures concernant l'ouverture des magasins le dimanche, les périodes de soldes, la règlementation des pharmacies, des boulangeries, des laiteries, etc .

- des actifs publics devront être transférés dans un fond de privatisation dont l'objet sera de garantir le remboursement des nouveaux prêts. Sur les 50 milliards attendus de ces privatisations, 25 milliards seront consacrés au remboursement de la recapitalisation des banques, 12,5 milliards seront consacrés à la réduction de la dette et 12,5 milliards (seulement) à l'investissement. 

- etc ...

Ce plan est catastrophique. 

Outre que dans sa forme il renvoie aux jours sombres de la colonisation, foule aux pieds la démocratie qui s'est exprimée dans les urnes via le référendum grec du 5 Juillet 2015 ( 61% de "NON" aux mesures d'austérité) et place le pays sous tutelle, il ne peut avoir pour effet que de casser encore un peu plus l'économie du pays et accroître la misère et la pauvreté. Et aussi de réduire sa capacité à se désendetter. Ce qui est un comble si l'on en croit les objectifs poursuivis.

Pour Der Spiegel, "ce texte est un catalogue des horreurs". 

Il a fait dire au philosophe allemand Jürgen Habermas " la relégation d'un état membre au statut d'un protectorat contredit ouvertement les principes démocratiques de l'UE (...). On peut difficilement imaginer comment on aurait pu faire plus de dégats. Je crains que le gouvernement allemand, y compris sa fraction sociale-démocrate, ait dilapidé en une nuit tout le capital politique qu'une Allemagne meilleure avait accumulé".

Au plan économique, les mesures imposées devraient contribuer à faire baisser encore le PIB de la Grèce. On rappellera que suite aux mesures d'austérité, celui-ci avait déjà baissé de 25%. La dette grecque, actuellement de 175% du PIB, devrait ainsi dépasser 200% à horizon de 2 ans. La vente "à la casse" des ports, des infrastructures publiques, des entreprises d'énergie, de télécom, etc .., censée rapporter 50 milliards, ne rapportera tout au plus que 7 milliards selon le FMI. Elle ne profitera qu'aux aventuriers de tous poils et aux charognards qui se lèchent déjà les babines. Le texte ne prévoit aucune réduction de dette alors que, même pour le FMI (qui reste d'ailleurs dans le jeu, preuve que l'Europe est incapable de résoudre seule ses problèmes internes), la dette actuelle de la Grèce est déjà insoutenable. 

En contrepartie de toutes ces mesures, la Grèce pourrait bénéficier d'une aide de 35 milliards d'euros au cours des 3 à 5 années à venir. Cette aide, destinée à soutenir l'investissement, était pourtant déjà prévue. Il n'y aura donc pas d'aide nouvelle. Rappelons ici que sur les 270 milliards d'aides déjà consenties au cours des années passées, seuls 25 à 26 milliards ont profité aux grecs, le reste ayant servi à rembourser les banques, et notamment les banques allemandes et françaises.

Le texte ne prévoit rien concernant les paradis fiscaux (comme le Luxembourg) alors même que les instances européennes, et tout particulièrement Jean-Claude Juncker, le Président de la Commission Européenne, s'étaient montrés très critiques quant à l'incapacité de la Grèce à collecter l'impôt. Il faut dire que ce même Jean-Claude Juncker a été l'un des artisans de l'instauration du Luxembourg comme l'un des paradis fiscaux les plus prisés de la planète et a occupé pendant plus de 18 ans la fonction de 1er ministre luxembourgeois, ceci pouvant expliquer celà. Idem pour Jeroen Dijsselbloem, ancien ministre des finances travailliste néerlandais (autre paradis fiscal européen), propulsé Président de l'Eurogroupe en Janvier 2013. 

La souveraineté de la Grèce est donc bafouée et le pays, déjà asphyxié économiquement, ne pourra que s'enfoncer d'avantage dans la misère. A ce jour, son taux de chômage est de 25%. Avec un tel plan il devrait rapidement dépasser les 30%. Une part importante de la population (23%) vit actuellement sous le seuil de pauvreté et ce taux devrait exploser. Le SMIC grec, actuellement de 683 €, est insuffisant pour vivre décemment. La retraite moyenne de base s'élève à 713 € par mois et fait vivre près de la moitié des ménages grecs. La baisse des retraites aura donc des conséquences désastreuses. 

A son arrivée au pouvoir début 2015, le programme de Syriza prévoyait :

- la fin de la politique systématique d'austérité,

- des mesures sociales telles que l'instauration d'une assurance maladie universelle, l'augmentation des salaires et des petites retraites, la restauration des services publics, la lutte contre la corruption, la fraude et l'évasion fiscale,

- la relance de l'investissement,

- une action volontaire pour la tenue d'une conférence européenne sur la dette publique dans l'Eurozone. 

Le gouvernement Syriza pensait pouvoir s'appuyer sur la solidarité des syndicats et celle des pays du sud de la zone euro (Espagne, Italie, Portugal, France). Cette solidarité n'est jamais venue. Son programme était pourtant soutenu par la plupart des économistes reconnus (à l'étranger Stiglitz, Krugmann, et, en France, Thomas Piketty, etc..).

Ce programme était cependant en contradiction avec la stratégie définie par les pays dominants de la zone euro et notamment l'Allemagne. En effet, ceux-ci ont fait du couple "austérité-réformes libérales" la feuille de route obligatoire pour tous, la réduction des dépenses publiques, l'affaiblissement du droit du travail et la dérégulation économique étant les piliers de cette stratégie qui n'accepte aucune contestation. La construction européenne, et notamment celle de l'euro, a été utilisée à cette fin. L'inscription d'obligations économiques - telles que l'obligation de cantonner la dette publique à 60% du PIB ou celle de limiter le déficit annuel à 3% de ce même PIB - au sein de traités ayant valeur constitutionnelle et quasiment irréformables (ils ne peuvent être modifiés qu'à l'unanimité des membres, ce qui est de fait impossible) ne poursuivait que ce seul objectif.

L'impossibilité faite aux pays les plus faibles, enserrés dans le corset de la monnaie unique, de dévaluer leur monnaie pour faire face aux écarts de compétitivité avec les autres pays de la zone, comme cela se faisait avant l'instauration de l'euro, les a plongés dans une spirale dépressive irréversible. La politique de dumping social des pays du Nord (entamée en Allemagne dans les années 2000 par le biais des différents plans Hartz qui ont cassé l'évolution des salaires dans ce pays) ainsi que le transfert des charges sociales et fiscales des entreprises vers les ménages (via, entre autres, la "TVA sociale") a donné aux entreprises de ces mêmes pays du nord des avantages compétitifs considérables. Les entreprises des pays du sud, à vocation plus sociale, n'ont pas pu suivre.

Ceci a entraîné pour les pays du sud de l'Europe des déséquilibres à répétition de leurs échanges extérieurs, de fortes chutes de croissance et des hausses du chômage sans précédent. Pour maintenir leur niveau de vie, les ménages de ces pays se sont endettés et leurs états, soucieux de tenir leur économie à flot, en ont fait de même afin de tenter de restaurer un minimum de croissance. Ceci les a placés de facto dans la main des marchés. En effet, les règles européennes leur interdisant de se tourner vers la BCE pour se refinancer, ils ont été contraints de solliciter les marchés, lesquels leur ont fait payer des taux d'intérêt exorbitants. Suite à la crise de 2008, pour éviter l'effondrement et sauver leurs banques au bord de la faillite du fait de spéculations hasardeuses, certains états (comme l'Espagne par exemple) ont été contraints de reprendre à leur compte les dettes des banques les plus exposées, accroissant d'autant leur endettement. Prétextant alors de cet endettement excessif, les instances européennes leur ont imposé des plans d'austérité qui les ont menés au bord du gouffre. Le plus tragique est que l'ensemble des partis sociaux-démocrates des pays européens se sont ralliés sans broncher à ces politiques d'austérité. Avec la complicité implicite de cette gauche sans projet, il a été mis fin, via des traités signés dans le dos des peuples, à la souveraineté populaire et, d'une certaine façon, à la démocratie comme à la prospérité économique d'une partie du continent. La Grèce en fait aujourd'hui les frais.

Les partis de la gauche sociale-démocrate défendaient traditionnellement deux axes prioritaires, du moins dans leur discours :

- au plan intérieur, l'amélioration des conditions sociales

- au plan extérieur, l'internationalisme et la solidarité entre les peuples.

Ils ont échoué sur ces deux plans à la fois.

- au plan intérieur, ils ont renoncé à la poursuite de leurs objectifs sociaux qui impliquaient qu'ils osent enfin affronter la finance,

- au plan extérieur, et par un tour de passe-passe subreptice, ils ont remplacé leur ancien internationalisme par un soutien sans condition à l'Europe, puis, par glissement, par un soutien inconditionnel à l'euro, alors même que les conditions dans lesquelles la monnaie unique était instaurée ne pouvaient que conduire à la maltraitance des peuples. Le centre de gravité du monde politique s'est de ce fait significativement déporté à droite. On ne doit pas s'étonner que, dans ce contexte, ce sont les partis placés le plus à droite sur l'échiquier politique qui tirent aujourd'hui les plus grands bénéfices de cette situation.

La finance dérégulée, combinée à un euro fort et à des politiques économiques de restrictions budgétaires imposées à tous sans discernement, ont mis à bas l'état providence et accru très fortement les inégalités, avec des riches toujours plus riches et des pauvres toujours plus pauvres et plus nombreux. Et avec pour conséquence quasi-automatique de cet appauvrissement généralisé, une baisse de la consommation, donc de la demande, donc une stagnation économique durable. Et aussi une hausse massive de la spéculation, les plus favorisés, toujours plus riches, ne sachant que faire de leur argent.

L'échec est donc patent. Il est total. Et il est sur tous les fronts.

Dans ce contexte, et dans la mesure où ils sont prisonniers d'une idéologie europhile qui confine à la croyance, il n'est pas étonnant de voir comment les partis sociaux-démocrates des pays d'Europe ont rejoint la droite la plus réactionnaire et ont partout voté pour le plan d'austérité imposé à la Grèce. La satisfaction béate de François Hollande après la signature du texte par la Grèce n'est, dans un tel cadre, pas étonnante. Ayant placé la sauvegarde de la zone euro au-dessus de tout, le maintien de la Grèce dans la monnaie unique, malgré ses conséquences dramatiques pour le peuple grec, ne pouvait que le satisfaire. L'ironie de l'histoire est que notre "Président normal" a fait du maintien de la Grèce dans la zone euro (aux conditions calamiteuses que l'on sait) une victoire personnelle alors que les vraies difficultés sont maintenant à venir.

Nous pouvons émettre une critique similaire concernant une certaine aile de la gauche dite "radicale", comme Syriza en Grèce ou Podemos en Espagne. Ces deux partis ne se sont jamais livrés à une analyse critique approfondie concernant la monnaie unique qu'ils ont d'emblée admise comme un fait établi. Or il est désormais clair pour tous que cette monnaie contribue très largement aux déséquilibres constatés ainsi qu'à maintenir une pression économique qui favorise l'envol des inégalités. Tsipras a ainsi été pris à son propre piège en voulant absolument rester dans l'euro et il l'a payé au prix fort. Et il n'y a (hélas) pas grand chose à attendre d'une éventuelle victoire de Podemos aux élections espagnoles de fin d'année 2015. Du moins, tant que le problème du positionnement vis à vis de l'euro n'aura pas été tranché dans le sens d'un rejet.

Rappelons que Yanis Varoufakis, économiste éminent et ancien ministre des finances grec, avait des positions plus radicales qu'Alexis Tsipras. Pour créer de la liquidité, il avait en effet préconisé la mise en place d'une monnaie parallèle à l'euro. Ce, dès que la BCE, trahissant son rôle de banque centrale en principe au service des états, et afin de pousser les grecs au "bank run" (retrait massif des avoirs en banque) pour déstabiliser le gouvernement Syriza, avait organisé la raréfaction des liquidités et empêché les entreprises grecques d'importer en les excluant sans préavis du système de paiements intra-zone. Pour Tsipras, la sortie de la Grèce de la zone euro était synonyme de catastrophe économique. Pour Yanis Varoufakis, la solution d'un "grexit" ne devait pas être écartée d'office. 

Ces idées lui ont coûté sa place.

Après s'être battu durement pendant des mois, Tsipras a dû abdiquer, faute de soutien venu d'autres pays, et notamment de la France. Cette abdication a surtout été motivée par la peur qu'une sortie de la zone euro n'expose son pays à une spéculation effrénée, encouragée en sous-main par des institutions européennes soucieuses de faire un exemple pour tous les autres pays qui auraient à leur tour pu avoir des vélléités de remise en cause de l'ordre européen. La crainte de Tsipras que cette spéculation ne plonge son pays dans une catastrophe économique insupportable n'était certes pas infondée mais il existe des réponses pour juguler la spéculation. La réquisition de la Banque Centrale de Grèce et des banques privées ainsi que le contrôle des capitaux (interdiction de procéder à des mouvements spéculatifs de fonds non motivés par des opérations économiques réelles) en étaient deux parmi d'autres. Ce sont certes là des mesures d'exception, mais la situation n'était-elle pas elle-même exceptionnelle ?  

Le but recherché par les institutions européennes était, apparemment, l'élimination de Tsipras et le désir de faire un exemple. Le problème ne paraissait pas, en effet, dans sa passe actuelle et malgré ce que les médias pouvaient en dire, de nature économique. Car à y regarder de plus près, les sommes qui devaient être prêtées à la Grèce par la Troika n'avaient pour but que de rembourser les emprunts souscrits auprès ... de la Troika elle-même !  Il n'y avait donc pas vraiment d'enjeu financier immédiat. L'affrontement semblait donc politique avant tout.

On sait cependant bien que derrière toute décision politique, même très médiatisée, il y a toujours un loup économique qui sommeille. Au delà du désir de faire un exemple et de "punir" la Grèce, le fond du problème est évidemment que l'Allemagne ne veut à aucun prix d'une "union de transfert", c'est-à-dire d'une union monétaire où les pays les plus riches viendraient au secours des pays les plus pauvres, handicapés par les contraintes d'une monnaie unique. Ceci se traduirait en effet pour elle par des reversements significatifs aux pays du sud. Le voudrait-elle d'ailleurs qu'elle ne le pourrait pas. Les calculs les plus sérieux font en effet apparaître que si une "union de transfert" venait à voir le jour en Europe, c'est environ 8 à 12% de son PIB que l'Allemagne devrait reverser aux pays du sud pendant au moins 10 ans. Cela signifierait sa ruine. Une union monétaire n'étant pas possible sans "union de transfert", on mesure ici les limites du modèle et on comprend mieux pourquoi l'euro, dans sa forme actuelle, n'a pas d'avenir.

Le désastre que voulait éviter Tsipras est, de toute évidence, juste reporté à plus tard. Quoi qu'il se passe désormais, la Grèce ne pourra pas appliquer le plan qui lui a été imposé. Celui-ci implique en effet une "casse sociale" impossible à assumer. La Grèce finira donc par sortir de l'euro. Si tel est le cas, la contagion ne tardera pas à s'installer. L'Allemagne l'a d'ailleurs compris. En faisant en sorte que ses banques soient totalement remboursées par la Grèce au moyen des prêts de la BCE et du FMI, elles les a d'ores et déjà mises à l'abri d'un défaut grec, donc de tout risque systémique. La France en a fait de même. De ce fait, le risque financier a été sciement transféré sur les contribuables européens. Sauf monétisation de la dette, ce sont en effet eux qui paieront si la Grèce fait défaut.

En évoquant l'hypothèse d'un "Grexit" il y a quelques semaines, l'Allemagne a très clairement signifié à ses partenaires qu'elle estimait que le risque d'une sortie de l'euro par la Grèce était moins grand pour elle (malgré son éventuelle propagation) qu'une "union de transfert" qui lui serait beaucoup plus coûteuse. Alors qu'il y a encore quelque temps elle estimait qu'un éclatement de la zone euro lui serait préjudiciable en ce sens que le mark serait ipso facto réévalué dans des proportions telles que tout le commerce extérieur allemand en pâtirait, elle estime à présent que le retour au mark, même accompagné d'une forte révaluation, serait moins coûteux que l'union de transfert qu'elle redoute. Nous voila prévenus. Si la Grèce avait persisté dans ses demandes de réduction de dettes, le "Grexit" aurait bien été à l'ordre du jour. Si la Grèce a été maintenue dans l'Eurozone, ceci découle avant tout de l'intervention en sous-main des américains qui, pour des raisons de géostratégie, ont usé de toute leur influence sur l'Allemagne et la France afin que ce maintien soit assuré. Pour l'instant.

L'heure de vérité est donc repoussée à plus tard.

Sans politique économique commune, et compte tenu d'une union monétaire imposée sans discernement à un ensemble de pays aux caractéristiques hétérogènes, les économies des pays de la zone continueront de dériver les unes par rapports aux autres. Ceux qui prêchent pour un autre euro (qu'ils espèrent pouvoir changer de l'intérieur) sont dans l'utopie. Le système demande en effet à être réinventé en totalité.

En s'excluant de ce débat et en abandonnant la thématique de l'euro aux seules extrêmes droites, les sociaux-démocrates européens ont adopté un comportement irresponsable qui les disqualifie pour le futur. La France, qui jusqu'ici se prévalait de porter des valeurs universelles (comme la Déclaration Universelle des Droits de l'Homme ou le programme du Conseil National de la Résistance à la sortie de la guerre),  en approuvant l'accord imposé à la Grèce au mépris de la démocratie et des droits les plus élémentaires, a ainsi jeté le bébé avec l'eau du bain. Elle fait au demeurant un calcul économique erroné.

La construction européenne, et particulièrement celle de la zone euro, a raté son principal objectif : la réconciliation entre les peuples. L'apparition, dans la presse grecque et dans celle de beaucoup de pays du sud, de casques à pointe et de caricatures d'une Angela Merkel affublée d'une petite moustache de sinistre mémoire, est là pour en témoigner.

Face à la faillite de nos élites, c'est donc à nous, citoyens européens, qu'il revient maintenant de relever le flambeau de la réconciliation et d'oeuvrer de façon active et militante pour suppléer les carences affligeantes de nos gouvernements. 

Dans une lettre ouverte à Angela Merkel, signée par plusieurs économistes, Thomas Piketty écrivait deux jours après le référendum en Grèce : "le gouvernement grec est sommé de mettre un pistolet sur sa tempe et d'appuyer sur la gachette. Malheureusement, la balle ne tuera pas simplement le futur de la Grèce en Europe. La victime collatérale sera la zone euro en tant que havre d'espoir, de démocratie et de prospérité".

La balle est désormais bien engagée dans le canon.

 

Max Alain Obadia et Jean-Bernard Motte  

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