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Ensemble, comprendre l'économie autrement

Le blog économique de Max Alain Obadia

Gouvernance économique: Qui a volé la boussole?

A l'heure de la rentrée, il nous a paru utile de tenter un bilan de la situation actuelle. Un panorama d'ensemble en quelque sorte. Mais sitôt l'idée venue, la difficulté de la tâche nous est apparue ...

Par où commencer?

> par le fiasco de la #réforme fiscale ?
La réforme fiscale tant attendue et tant promise par le gouvernement n'est jamais venue. A part quelques retouches de détail, rien (ou presque) n'a changé. La retenue à la source de l'impôt sur le revenu (toujours à venir) est présentée comme une innovation majeure. Elle est pourtant presque totalement inutile dans la mesure où près de 80% des français ont déjà opté pour le prélèvement mensuel de leur impôt. Avec cette retenue à la source, Bercy espère peut-être améliorer le recouvrement de l'impôt, devenu particulièrement difficile depuis quelques années. De plus en plus de français ont bien du mal à s'en acquitter. Le nombre de relances et de mises en demeure émises par l'Administration a ainsi explosé en 2 ans, passant de 4 millions à plus de 10 millions par an. Il en est de même des demandes de remises gracieuses de pénalités.  

On nous annonce maintenant, après avoir pendant 3 ans fiscalement "matraqué" les classes moyennes (dont la demande est l'un des meilleurs soutiens à notre économie) que celles-ci vont bénéficier d'un allègement d'impôts de 2 milliards d'euros. Qu'on se comprenne bien : cette baisse de 2 milliards est la baisse estimée par rapport à la hausse prévisionnelle qui aurait été enregistrée si cette baisse n'avait pas été décidée. Comme d'habitude, tout est dans la nuance...

Et pendant ce temps là, toujours aucune mesure sérieuse de prise pour juguler la fraude fiscale (dont le montant annuel est estimé à 100 milliards d'euros environ) ou pour mettre fin à certaines niches fiscales, aussi scandaleuses qu'inutiles, et qui ne profitent qu'à quelques uns (le manque à gagner pour l'Etat est estimé à 90 milliards d'euros par an pour les 460 niches répertoriées par la Cour des Comptes). 

La seule récupération d'un quart ou de la moitié de ces montants permettrait de recréer des marges de manoeuvres pour relancer l'investissement, la croissance et réduire la pression fiscale. 

> par la #courbe du chômage qui progresse encore  ? 
Loin de se cantonner à 3,5 millions de chômeurs, chiffre que les médias nous assènent à longueur de journée et qui ne recense que les demandeurs d'emplois inscrits auprès de Pôle Emploi dans la catégorie A (demandeurs d'emploi tenus de faire des actes positifs de recherche d'emploi, sans emploi au cours du mois), le nombre réel de demandeurs d'emploi inscrits à fin Juin 2015 était de 6 389 000, toutes catégories confondues (catégories A à E). Ce, sans compter "les laissés-pour- comptes", ceux qui, désespérés, ont fini par abdiquer et ne sont plus inscrits nulle part. Leur nombre avoisinerait très probablement les 2 millions. 

Ces chiffres sonnent comme la sanction de l'échec économique d'un gouvernement qui, enserré dans les politiques austéritaires imposées par les accords européens, n'a pas été en mesure de redynamiser le tissu industriel, notamment celui des PME, de rétablir la justice sociale et fiscale et de relancer la demande. 

 

                                             Image hébergée par http://uprapide.com/

 

> par la #loi Macron et ses pseudos réformes ?
La loi Macron n'est rien d'autre qu'une triste "resucée" des réformettes préconisées par le rapport de la Commission Attali instaurée en 2007 par Nicolas Sarkozy et dont précisément Emmanuel Macron (tiens donc !) était déjà le Rapporteur général adjoint. Les dispositions mises en oeuvre par cette loi n'apporteront, selon l'OCDE, qu'une hausse de 0,4% du PIB sur 10 ans. La Loi Macron propose, à peu de choses près, les mêmes mesures, issues des mêmes approches que celles du rapport Attali, dont même Nicolas Sarkozy, lui-même, n'avait pas voulu. En reprenant la plupart de ces mesures, quasiment telles quelles, sans modifications majeures, alors que le contexte économique entre 2007 et aujourd'hui a fortement évolué, notre tout nouveau Ministre de l'économie ne s'est vraiment pas beaucoup foulé. 

Face à l'ampleur des défis auxquels la France est aujourd'hui confrontée, la loi Macron a tout d'un emplâtre posé sur une jambe de bois. L'éparpillement des mesures qui y figurent témoigne de l'absence d'une ligne politique - donc économique - claire. Comme l'avouait Emmanuel Macron lui même à Pierre Larrouturou il y a 1 an et demi, "le problème est qu'on n'a pas de doctrine" (sic). On ne saurait être plus clair.  

> par le scandale de la #réforme bancaire avortée ?
La mise au pas de "la finance" et la réforme bancaire ( séparation des banques de dépôts et des banques d'affaires) était l'une des promesses de campagne les plus marquantes du candidat Hollande. Où en est-on aujourd'hui de cette séparation quand on sait que la filialisation des activités à risques, imposée aux banques, n'a concerné que moins de 1,5% de leur activité, ce, en lieu et place des 16 à 18% préconisés par les experts de la Commission Européenne elle-même, lesquels étaient pourtant déjà bien timorés ? Où en est on de la réforme de la législation sur les produits financiers à risques quand on sait que le montant de ces produits actuellement en circulation dans le monde avoisine 800 000 milliards de $ (dont 1/6 eme figurant à l'actif des seules banques françaises, plaçant celles-ci au bord du gouffre en cas de clash) ? A titre accessoire, on attend toujours les mesures censées lutter efficacement contre la spéculation...  

De tels atermoiements et une telle complaisance à l'égard des lobbies de la finance risquent de nous coûter cher si une nouvelle crise financière venait à se déclencher. Nos dirigeants ont apparemment décidé de faire l'autruche plutôt que d'affronter les problèmes de fond.

 

> par l'incroyable dérive morale à laquelle nous assistons ?
Hommes politiques poursuivis pour corruption, pour fraude fiscale, délits de favoritisme, prises illégales d'intérêt, fraude électorale ( affaire bygmalion), patrons voyous déménageant les entreprises à la sauvette, scandales de la FIFA, de l'UEFA, de l'arbitrage TAPIE, de l'incroyable mensonge de Volkswagen, tous les ingrédients sont réunis pour favoriser une montée irrépressible des extrêmes droite en Europe..

Lorsque le capitalisme est dérégulé, il peut accoucher de tous les monstres. Nos hommes politiques sont aujourd'hui aux ordres d'un système qui promeut le néolibéralisme et qui, de dérégulation en dérégulation, favorise l'accumulation irraisonnée du capital, déséquilibrant la société toute entière et brouillant les lignes qui séparent l'acceptable de l'inacceptable. 

> par la déplorable gestion de l'affaire des #migrants en Europe ?
Des initiatives désastreuses prises par nos gouvernements dans le monde Arabe jusqu'à la gestion calamiteuse de l'accueil des migrants (remise en cause de la libre circulation, incapacité pour les membres de l'UE d'adopter une position commune claire,...) tout ici paraît incohérent. Aucun des problèmes posés n'est réglé. Même l'accueil temporaire des réfugiés sur notre sol pose problème ( difficultés d'accueil dans les foyers volontaires, jungle de Calais, etc.). La Grèce, et l'Italie, pays d'abordage de prédilection de populations désorientées par la guerre, sont livrées à leur sort. Construction d'un mur de la honte en Hongrie, gestion désastreuse de la lutte contre le terrorisme, on ne distingue nulle part d'initiative forte, solidaire et réfléchie pour répondre à ces nouveaux défis.

La réponse aux problèmes posés par les déplacements de populations passe avant tout par la restauration d'une politique de prospérité en Europe. Dans les années 70, nos pays, alors en forte croissance, n'avaient eu aucune difficulté pour absorber l'arrivée de centaines de milliers de migrants. Plutôt que de baisser les bras en prenant acte d'une désindustrialisation et d'une paupérisation qui n'ont rien d'inéluctable, nos gouvernements devraient se concentrer sur les mesures qui s'imposent pour restaurer la croissance. Le sort des européens en serait amélioré et nos territoires pourraient redevenir des terres d'accueil plutôt que de connaître un "repli sur soi" qui détruit les liens sociaux et met à bas les solidarités les plus élémentaires.

 

> par la gronde #sociale que l'on sent inéluctablement monter dans notre société ?
En France les conflits sociaux s'accumulent : Air France, les VTC d'UBER, les policiers qui manifestent, les médecins en grève, les paysans en colère, les profs et les personnels des  hôpitaux excédés, etc. Le gouvernement répond au coup par coup et dans l'urgence, sans ligne directrice préétablie. Que penser du détricotage en règle du code du travail et des 35h appelé de ses voeux par le patronat, appuyé en celà par le gouvernement ? Des accords sur les retraites complémentaires en cours de signature entre le Medef et quelques syndicats ? de l'annonce - bien symbolique - du gouvernement de multiplier et de privatiser la gestion des radars routiers ? Etc.

On pourrait encore allonger  cette liste mais point n'est besoin.

On l'aura compris. Les gouvernements de droite comme de gauche ( si tant est que l'on puisse encore qualifier "de gauche" le gouvernement actuel ), lesquels se sont succédés à la tête de la France depuis 30 ans, n'ont eu de cesse que de déréguler l'économie en restreignant toujours davantage le rôle de l'état. Cette dérégulation a commencé au USA sous l'ère Reagan et en Grande Bretagne sous Margareth Tatcher. Ces deux pays ont été suivis par la France (avec Jacques Delors à partir de la fin 1983), par l'Allemagne et par d'autres. Rappelons qu'après la deuxième guerre mondiale, l'économie était largement administrée : les grandes banques et les plus grandes entreprises du pays étaient nationalisées, les loyers étaient bloqués, le prix du pain était fixé par l'état, le controle des changes était en vigueur, empêchant les capitaux de circuler à leur gré, les banques ne pouvaient cumuler les fonctions de banques d'affaires et de banques de dépôts, etc. Et pourtant cet état là était celui du général De Gaulle qui n'était ni un communiste ni un dangereux révolutionnaire. 

La dérégulation à laquelle nous avons assisté, doublée d'un libre-échange échevelé et sans contrôle, a mis les économies et les peuples à genoux. La construction de l'euro et les traités qui l'accompagnent ont parachevé le tout, signant la victoire de la finance sur l'industrie et sur les peuples. L'euro, tel qu'il a été conçu et construit, agit comme un fossoyeur des démocraties. "L'affaire Grecque" est loin d'être achevée. Que se passera-t-il fin 2015 lorsque ce pays sera dans l'incapacité totale de faire face aux obligations qui lui ont été imposées par les hiérarques européens ?    

 

> par les reculs successifs du gouvernement en matière de politique écologique ?
On ne s'étendra pas sur ce sujet. Tout un chacun a pu suivre les différentes péripéties qui ont émaillé les deux dernières années sur ce sujet précis. Certes, la grande messe de la COP 21 affichera bien quelques avancées. Tout a été mis en oeuvre pour cela. On nous dit aujourd'hui que le gouvernement, conscient du danger présenté par l'utilisation du diesel (ce que l'on savait depuis longtemps) a décidé d'augmenter chaque année (de façon dérisoire) le prix du litre de gazole et de réduire celui de l'essence dans les mêmes proportions. Ce que l'on ne nous dit pas, et pour cause, c'est que l'on n'a pas touché au droit des entreprises -toutes les entreprises- de récupérer 80% de la TVA grevant le prix du gazole, la TVA sur l'essence demeurant toujours non récupérable pour elles.. On en rirait, si le sujet n'était pas aussi grave.

En matière écologique les urgences sont à notre porte. Apparemment, la mesure du problème n'a pas été prise. Quid de la transition énérgétique ? On attend encore les mesures fortes qui s'imposent pour aborder l'avenir dans les meilleures conditions. 

Etc.

 

On le voit, la situation économique et sociale est fortement dégradée. Les promesses faites n'ont pas été tenues. La révolte gronde et s'amplifie. Là où l'on attendait des mesures sociales, on a surtout eu l'allègement des impôts des entreprises, comme les milliards du CICE, qui du fait d'une rédaction maladroite du texte ont surtout servi à celles-ci à distribuer de confortables dividendes à leurs actionnaires.

Le PS est moribond et la gauche est décimée. C'est la débandade chez les "verts". Plusieurs d'entre eux, et non des moindres, ont décidé de privilégier leur carrière personnelle et "d'aller à la soupe". Le plus triste est que toutes ces hésitations et trahisons successives font le lit de l'extrême droite. Avec tous les dangers que cela implique. Dans un tel contexte, le résultat des élections régionales sonnera comme un glas.

Le bruit court que François Hollande, conscient des difficultés qu'il rencontrera pour se représenter aux prochaines élections présidentielles, envisagerait désormais de pousser en avant Emmanuel Macron (actuellement porté par les sondages) pour prendre sa place aux primaires du PS, si primaires il y a.

Si tel était le cas, la gauche serait définitivement morte.

Nous sommes face à un monde qui s'effondre. Comme l'écrivait le sociologue Paul Jorion dans l'un de ses derniers ouvrages, le "capitalisme est à l'agonie". Nul ne sait encore quel système lui succèdera. Devant de tels enjeux et la faillite avérée des hommes politiques de tous bords, c'est à nous, c'est-à-dire tous ceux qui représentent la société civile, de relever le flambeau. 

Que nos hommes politiques se rassurent. Il ne manque pas aujourd'hui de talents dans notre pays et partout en Europe pour venir suppléer leurs carences. Et ce flambeau, ils sont (ou plutôt nous sommes) collectivement prêts à le relever.

Et oh surprise, nous, nous avons conservé la boussole ! 

 

Max Alain Obadia (avec l'oeil bienveillant et critique de Jean Bernard Motte).

 

 

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